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Jeudi 14 octobre 2021

Créer la musique… d’un film d’horreur !

Le bruit du vent dans les arbres, le grincement d’une porte, des cris… Les sons ont la capacité de provoquer une sensation d’étrangeté et d’instaurer un climat anxiogène. Dans les films d’horreur, au-delà de l’image, la bande sonore joue ainsi un rôle crucial : c’est elle qui crée l’ambiance glaçante, induit le suspens, annonce une scène inquiétante ou violente… Si l’on pense à la tension créée par le thème de « Les Dents de la Mer » ou à la musique stridente de « Psychose », on réalise que certains films possèdent une véritable identité sonore.

Mais quelles astuces musicales sont utilisées pour donner la chair de poule ? Comment la musique a-t-elle évolué dans les films d’épouvante ? Petit éclairage sur ces aspects ténébreux, avec l’aide de Thierry Besançon, professeur de batterie et percussion à l’EML, et du cours à option La nuit de l’épouvante.

Il était une fois, la musique du film d’horreur…

A l’époque du cinéma muet, on utilise des extraits sombres ou menaçants de la musique classique pour accompagner les films d’horreur. Par exemple, la Toccata et fugue en ré mineur de Jean-Sébastien Bach est une œuvre à l’orgue datant de 1707, mais le climat inquiétant que provoquent ses premières notes expliquent sans doute pourquoi elle a été utilisée dans de nombreux films, dont le Fantasia de 1940 ou La Famille Adams. Pour beaucoup, elle est désormais associée à un imaginaire de château hanté et de décor funèbre.

Extrait musical de la Toccata et fugue en ré mineur de Jean-Sébastien Bach 

 

Puis, avec l’arrivée du son, le cinéma offre la possibilité d’enregistrer des compositions spécifiques adaptées et synchronisées aux images. Une des premières musiques spécialement composée pour un film est écrite par Camille Saint-Saëns (auteur du célèbre Carnaval des animaux) pour « L’Assassinat du Duc de Guise » en 1908. Par la suite, de nombreux compositeurs de formation classique comme Henry Mancini (auteur du thème de « La Panthère rose ») ou Bernard Herrmann (« Psychose »), gagneront leurs lettres de noblesse en composant pour le cinéma de science-fiction et d’horreur.

Comment la musique peut-elle nous faire peur ?

La bande-son joue un rôle majeur pour créer l’ambiance d’une scène et faire monter la tension. En cours de montage, de nombreux sons peuvent être ajoutés à l’image, comme des chants d’oiseaux, un orage au loin, de l’eau qui coule. Ces effets subtils, inconsciemment perçus par le spectateur, donnent du relief au film.

Puis, il y a la musique à proprement parler dont les différents usages sont soigneusement pensés pour accompagner l’image et créer les bons effets au bon moment. Pensons par exemple au grand classique de la surprise causée par la soudaineté d’une séquence visuelle d’une fraction de seconde, associée à un effet sonore. Frayeur assurée !

On retrouve par ailleurs quelques « ingrédients » imparables pour constituer la base d’une musique anxiogène. L’association de tonalités mineures et d’une dissonance sans résolution produit une contrariété entre les notes, une impression d’instabilité musicale, véhiculant un sentiment de malaise et de tension. La répétition, elle, prolonge l’angoisse de manière interminable et instaure l’effet d’une voie sans issue*. Autre élément-clé de la tension : le silence. Cet élément non-musical indique au spectateur quand il peut se sentir rassuré, tandis que la musique renseigne sur les moments d’action. Un jeu de tension et de relâchement essentiel dans la création d’un sentiment d’angoisse.

La nuit de l’épouvante de l’EML

Un manoir, un dédale de pièces, des bustes sculptés, de vieux tableaux et une cave aussi vaste qu’un labyrinthe : le décor était planté à Ribaupierre pour accueillir La nuit de l’épouvante de l’EML. Cet événement propose aux spectateurs de se plonger dans un vieux film d’horreur (une version raccourcie, avec des scènes sélectionnées), dont la bande musicale est jouée en direct par les élèves, mais aussi de visiter le manoir décoré et hanté pour l’occasion.

Le 31 octobre prochain, c’est The Blob, film de 1958 relatant la montée en puissance d’une créature extraterrestre visqueuse, qui sera présenté. « Cette année, on est vraiment dans le film de monstre et de science-fiction des années 50, donc on a souhaité rendre hommage aux compositeurs de cette époque », nous explique Thierry Besançon, grand fan des films consacrés à ce genre. L’occasion d’entendre des motifs obsédants de harpe, typiques des musiques de Bernard Hermann (qui doit sa réputation internationale aux musiques écrites pour les films d’Alfred Hitchcock), des accords de vibraphones, ainsi que quelques notes de thérémine. « Créé dans les années 20, il s’agit d’un des premiers instruments électriques, qui sera largement utilisé dans les films de science-fiction des années 50, notamment pour évoquer la présence d’entités extra-terrestres », précise Thierry Besançon.

Envie de visiter le manoir ? Réservez vos places !

Le Blob

Fasciné par les films de monstres, le professeur nous explique que la musique permet d’exprimer les émotions et les intentions du monstre qui n’a pas de voix-propre. Créature extraterrestre gluante, le Blob aura ainsi droit à son thème musical, qui grandira au fur et à mesure de sa montée en puissance. « Il a peur du froid, alors on a aussi dû trouver une sonorité pour le froid. Et dès que le Blob sent qu’il y a ça, on entend cette musique ». 

L’Orchestre Skellington

Des bois, des cordes, des percussions, des claviers… Un joli effectif pour constituer un petit orchestre, chaque instrument permettant de créer un certain nombre d'effets sonores. « Jouer sur une cymbale avec un archet, ça fait un grincement de dents digne des meilleurs dentistes ! Et la grosse caisse permet les basses fréquences qui font un peu trembler… », s’amuse le professeur. L’occasion pour les élèves d’utiliser leur instrument différemment, de découvrir les notations contemporaines et de voir comment la musique peut s’imbriquer dans un autre art.

Accompagner musicalement un film en temps réel n’est toutefois pas sans difficulté. Les élèves découvrent les contraintes qu’impose le fameux mickeymousing, lorsque chaque événement du film est souligné par la bande sonore : par exemple, une porte qui claque et le son qui l’accompagne. Sans regarder le film, ils doivent, grâce à la partition et à un métronome synchronisé sur les images, jouer la musique au moment juste. De bonnes connaissances de solfège sont donc fondamentales pour assurer cette performance.

Vous avez envie de découvrir la création musicale d’une musique de films et les effets utilisés dans le genre du film d’horreur ? Le manoir de Ribaupierre ouvre ses portes aux enfants de 8 à 14 ans, le 31 octobre, et les invite à affronter le Blob... et autres fantômes présents pour l’occasion.

 

 

* Ces éléments sont cités et décrits avec précision sur https://www.francemusique.fr/culture-musicale/comment-creer-une-musique-qui-fait-peur-78080

Pour aller plus loin:

I. A. 3. Musique créatrice de suspense – LES FILMS D'HORREUR ET SES EFFETS (wordpress.com)

Des musiques qui font peur... La playlist classique spéciale Halloween ! (francemusique.fr)

Ces compositions classiques qui font peur (proximus.be)