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Mardi 9 mars 2021

La place des femmes dans la musique classique

La musique séduit par sa dimension universelle. Elle touche le cœur de tous, des jeunes aux plus âgés, quels que soit l’origine, le milieu dans lequel on a grandi et le genre auquel on appartient. Pourtant, comme dans d’autres sphères de la société, le monde de la musique n’est pas épargné par certaines inégalités, notamment concernant la sous-représentation des femmes. Hier, 8 mars, nous célébrions la journée qui met en avant la lutte pour leurs droits et pour l’égalité par rapport aux hommes. Nous vous proposons aujourd’hui un petit éclairage, passé et présent, sur la condition des femmes dans le milieu de la musique classique.

Les oubliées de l’Histoire

Si le patron des musiciens et musiciennes n’est autre qu’une femme, Sainte Cécile, peu de noms de musicienne nous sont connus avant le XVIIe siècle. C’est que durant le Moyen-Age, les femmes sont généralement exclues de la pratique musicale dans l’espace public. A de rares exceptions près, dans le domaine du chant notamment, la pratique d’un instrument pour les femmes doit s’en tenir au cadre du foyer, et est alors considérée comme une distraction. Lorsque le Conservatoire national supérieur de musique de Paris ouvre en 1795, il est certes ouvert aux deux sexes, dans des classes séparées, mais les femmes y ont un accès limité : elles peuvent étudier le solfège, le chant et le piano. Tous les autres cours – violon, basse, flûte, hautbois, clarinette, basson, cor – ne leur sont pas ouverts. Il faut attendre 1851 pour voir une violoniste, Camille Urso, être reçue à l'âge de neuf ans, au sein de cette institution.

Des instruments genrés

Comment expliquer que certains instruments étaient accessibles aux femmes, alors qu’on les a longtemps tenues écartées de certains autres ? Plusieurs théories ont défini les instruments convenables à la nature féminine. Jouer du piano et savoir chanter faisant partie de l’éducation bourgeoise des jeunes filles, elles y étaient donc initiées dès leur plus jeune âge. En revanche, au 19e siècle, les instruments à vent étaient déconseillés aux femmes, à la fois en raison des risques d’évanouissement liés au port du corset (que les femmes se devaient de porter), mais aussi car souffler dans un instrument pouvait déformer leur visage, les rendant disgracieuses. Certains instruments étaient également considérés comme impudiques pour une dame, en raison des postures à prendre pour les manier (tenir un violoncelle entre ses jambes, par exemple). Et de manière générale, les instruments aux tonalités graves étaient, et sont encore parfois, perçus comme masculins, et demeuraient ainsi réservés aux hommes, tandis que les instruments aux tonalités plus aigües étaient considérés comme acceptables pour les femmes. 

L’accès interdit à certaines formations musicales et à la pratique d’un instrument dans la sphère publique a entravé la participation des femmes dans la musique. Ainsi, peu de femmes ont pu devenir compositrices ou concertistes par le passé (et elles demeurent aujourd’hui encore souvent moins connues que leurs homologues masculins). Ce n’est que dans la seconde moitié du vingtième siècle qu’un véritable changement s’opère : les écoles de musique s’ouvrent aux filles, et peu à peu, les différentes classes d’instruments leur deviennent accessibles dans les conservatoires. Elles accèdent progressivement aux professions d’enseignantes, d’instrumentistes, puis de musiciennes d’orchestres.

Les femmes dans les orchestres

Historiquement, on estimait que la présence des femmes dans les orchestres risquait de distraire l’attention. Les femmes ont donc dû y conquérir leur place. Les auditions à l’aveugle, derrière paravents, instaurés dans les années 70, ont permis d’y augmenter leur présence, mais leur représentation y est encore faible et les postes-clés sont encore largement occupés par les hommes.

Du côté de la carrière de soliste, les femmes qui les mènent sont, hier comme aujourd’hui, nettement moins nombreuses que leurs homologues masculins. D’autres raisons peuvent venir éclairer cette différence persistante. D’une part, la charge mentale liée à la vie familiale revient souvent aux femmes, pour qui il devient alors difficile de continuer une carrière artistique. D’autre part, les femmes seraient, de par leur éducation, moins préparées socialement à la compétition et à assumer avec assurance leurs ambitions. La société ne pousserait ainsi pas les femmes à concourir, mais ceci n’est pas propre au domaine de la musique classique.

Quant au métier de chef d’orchestre, il demeure encore très masculin : les femmes ne représentent ainsi que 6% des directeurs musicaux des orchestres dans le monde. Ce poste à responsabilité reste chasse gardée des hommes. Des initiatives comme « La Maestra », un concours de cheffe d’orchestre lancé en 2020 et réservé aux femmes, cherchent à leur offrir la visibilité qu’elles méritent.

Une égalité qui reste à conquérir

En musique classique comme dans d’autres sphères professionnelles, certaines discriminations limitent encore l’accès des femmes aux postes les plus hauts placés. Et les clichés ont la vie dure : on trouve encore peu de filles dans les cours de trombone ou de trompette, alors que les garçons choisissent moins souvent d’apprendre à jouer de la flûte ou de la harpe. Les écoles de musique ont ainsi un rôle à jouer dans la promotion de tous les instruments, quel que soit le genre.

 

Articles et émissions pour aller plus loin sur le sujet:

https://www.francemusique.fr/actualite-musicale/femmes-et-musique-classique-les-5-questions-qui-fachent-666
https://www.reiso.org/articles/themes/genre?task=export.export&id=443
https://www.francemusique.fr/emissions/l-invite-du-jour/sexisme-place-des-femmes-dans-la-musique-classique-il-n-y-pas-d-evolution-flagrante
Les instruments de musique ont-ils un genre ? Aliette de Laleu - YouTube

"La Maestra", premier concours de cheffes d'orchestre réservé aux femmes (franceinter.fr)