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Mercredi 24 mai 2023

Le métier de chef-fe d’orchestre 

La plupart d’entre nous visualisons très bien la position du ou de la chef-fe d’orchestre lors d’un concert : dos au public, devant un parterre de musiciens qu’il dirige une baguette à la main, il vit la musique avec intensité. Un peu à la manière d’un metteur en scène, il a un rôle clé à jouer. Mais à quoi servent vraiment sa gestuelle, ses expressions, sa présence ? Et pour ceux que ce métier hors du commun intéresse, quelles qualités et compétences sont nécessaires pour l’exercer ?  

Découvrez cette profession pas comme les autres au travers du parcours de Marc Leroy-Calatayud, chef d’orchestre suisse romand. 

Né à Lausanne, d’un père français et d’une mère bolivienne, Marc Leroy-Calatayud est un jeune chef d’orchestre de 32 ans. Pourtant, celui qui travaille actuellement comme chef associé à l’Orchestre de chambre de Genève et collabore entre autres avec l’Orchestre de la Suisse Romande et le Kanazawa Orchestra Ensemble, n’a pas grandi dans une famille de musiciens.  

Il commence par pratiquer le piano, la trompette et le cor dans son enfance et adolescence, puis intègre l’orchestre des collèges et du gymnase à Lausanne. C’est là qu’il découvre le répertoire symphonique et le plaisir de jouer en ensemble. « Quand on joue en orchestre, on a cette satisfaction de tailler sa pierre et faire en sorte qu’elle s’associe exactement avec celles à côté de soi », explique-t-il. Peu à peu, le jeune homme se prend à rêver d’être « l’architecte » qui déciderait comment mettre les choses en œuvre et quelle direction donner à l’ensemble. La graine est plantée.  

Mais en Suisse, il n’existe à l’époque pas de voie spécifique à la formation de la direction d’orchestre dans les écoles de musique. Marc Leroy-Calatayud commence donc des études supérieures de piano à la Haute école de musique (HEM) de Lausanne, mais ne renonce pas à son rêve. « J’avais vraiment très envie de diriger. Donc j’ai créé mon propre orchestre : « l’Orchestre Quipasseparlà ». L’idée était que si des jeunes pouvaient créer un groupe de rock, il devait aussi être possible pour eux de monter un orchestre symphonique ». En parallèle, il tente deux concours qui lui permettront d’accéder à une formation de chef d’orchestre à Vienne, soit à l’université soit au conservatoire. Sélectionné pour les deux formations, il choisit la prestigieuse Université pour la musique et les arts du spectacle où il étudiera pendant cinq ans, tout en conservant l’orchestre qu’il a créé à Lausanne. « Ce qui est difficile dans la formation de chef d’orchestre, c’est que le temps passé devant un orchestre est très limité durant les études. On a peu de temps pour mettre en application tout ce qui est enseigné. Donc j’étais content de pouvoir continuer à développer l’orchestre à Lausanne. Cela me permettait de découvrir des répertoires et de faire des concerts, ce qui était très enrichissant et formateur », relève Marc. 

De retour en Suisse, il entreprend une formation complémentaire à Zurich, qu’il ne suivra finalement que partiellement, obtenant le poste de chef assistant à l’opéra de Bordeaux. « C’est là-bas, pendant trois ans, que j’ai vraiment appris le métier de chef d’orchestre », explique-t-il. Dans cette grande « maison » qu’est l’opéra, les concerts symphoniques s’enchaînent, entre les productions d’opéras et de ballets. Marc y découvre les rouages qui permettent de faire fonctionner la « machine à rêves » : réunions de programmation, la technique, les filages lumières, les relations avec les syndicats… En tant que chef assistant, il participe à tous les projets, découvre de nombreuses pièces, tout en apprenant par l’observation de ses pairs. 

Dès la deuxième saison, on lui confie la direction de plusieurs spectacles. « Le rythme était intense. Il fallait avaler plusieurs partitions par semaine. Mais ce sont des automatismes à prendre et cela m’a été très utile pour la suite », raconte le chef d’orchestre, qui enchaîne désormais les collaborations avec de nombreux opéras à travers le monde… 

Vous voulez en savoir plus ? Marc Leroy-Calatayud répond à nos questions au sujet de son métier : 

EML : Un bon chef d’orchestre doit-il être aussi un excellent musicien ? 

MLC : Quand tu es chef d’orchestre, tu es musicien ! Mais ton instrument c’est l’orchestre. Mis à part cela, c’est évident qu’il faut savoir quand même un peu jouer d’un instrument. Mais ce n’est pas tellement indispensable. La comparaison est similaire à un metteur en scène : celui-ci n’est pas forcément un très bon comédien ! Mais il doit savoir comment diriger les acteurs, leur faire travailler les textes et les amener dans la direction qu’il a choisie. 

EML : Le chef d’orchestre connaît-il tous les instruments qui composent l’orchestre ? 

MLC : Il faut bien connaître les instruments de l’orchestre pour savoir ce qui est possible et ce qui ne l’est pas, ce qui est difficile ou facile à obtenir. Par exemple, moi je ne joue pas du tout de violon. Mais je sais exactement quoi demander ou sur quels aspects travailler avec une section jouée par les cordes pour obtenir le son dont j’ai envie. 

EML : Quelles qualités sont nécessaires pour être chef d’orchestre ? 

MLC : En premier, je dirais qu’il faut avoir un niveau musical théorique assez élevé, être vraiment très à l’aise en solfège.  

Ensuite, posséder un bon esprit d’analyse. Quand on étudie une partition, il ne faut pas seulement savoir qui joue quoi et quand. Il s’agit aussi de mener une réflexion sur le style : pourquoi cela a été écrit comme ça et pas autrement, et qu’est-ce que l’on cherche à en dire aujourd’hui, quelles sont les résonances. 

Il faut aussi avoir quelque chose à raconter. Plus les orchestres devant lesquels travaille un chef d’orchestre sont bons, plus ils ont envie d’avoir des idées, de l’énergie, des indications de phrasé, quelque chose à se mettre sous la dent qui ne soit pas juste battre la mesure.  

Et ensuite, c’est principalement de la préparation et de la psychologie. Il faut savoir parler à un groupe, avoir du tact, tout en sachant s’imposer. Être à la fois soi-même, mais aussi dans une figure d’autorité. C’est un équilibre qu’il faut réussir à trouver, et ce n’est pas toujours facile. 

EML : Quel est le rôle du corps dans la direction ? Est-ce que cela demande une bonne condition physique ? 

MCL : Le principe de la direction c’est de communiquer ses intentions musicales avec le corps. Mais il n’est pas forcément nécessaire d’avoir une forme physique éclatante. Il y a aussi de vieux chefs d’orchestre qui dirigent très bien. Ce qui est essentiel, c’est d’être suffisamment conscient de ce que l’on fait avec son corps, pour que celui-ci reflète ce que l’on veut exprimer musicalement. Et là aussi, il n’y a pas une seule manière de faire. Certains chefs d’orchestre sont très expansifs au niveau corporel, d’autres bougent très peu mais ont un regard incroyablement expressif… Mais il faut être conscient de comment on communique.  

EML : Quels sont les bons côtés du métier ? 

MCL : Personnellement, l’endroit où je suis particulièrement heureux, c’est au théâtre, c’est-à-dire dans la fosse d’orchestre, quand je dirige un ’opéra ou un  ballet. Que ce soit la musique, les chanteurs, les costumes, les décors, la lumière, tout concourt à raconter une histoire au public. C’est une formidable machine à faire rêver. Et au milieu de tout cela, c’est à la direction que l’on donne le rythme du récit. J’ai l’impression de faire un peu un métier de conteur.  

EML : Et les moins bons… ? 

MCL : Comme dans les carrières de solistes, il y a beaucoup de gens qui rêvent de faire ce métier et peu de places. Il faut donc avoir de la patience, accepter que les choses se fassent petit à petit, et supporter l’incertitude. Ce n’est pas forcément agréable, mais cela fait partie du lot. L’avantage, c’est qu’à 40 ans, un danseur classique est à la retraite, alors qu’un chef d’orchestre, à 45 ans, est encore considéré comme jeune ! 

Il faut aussi réussir à supporter une certaine pression, qu’elle vienne du public, des musiciens de l’orchestre ou des directions des opéras. Cette pression, on la gère en se préparant le mieux possible, surtout au début, car on doit découvrir de nombreuses œuvres et il y a beaucoup à apprendre. Il faut être très organisé, avoir de la discipline, et ce malgré la fatigue. 

Un autre aspect qui peut être problématique, c’est la gestion de la vie personnelle. Un chef d’orchestre voyage tout le temps. 

EML : Quels conseils donnerais-tu à des jeunes que le métier de chef d’orchestre intéresse ? 

MCL : Être assidu au solfège et développer sa culture générale, en allant assister à des concerts, à des opéras... Et se donner les moyens d’essayer ! Par exemple, en réunissant quelques amis, pour monter et diriger un petit orchestre. Ou en demandant à un chef d’orchestre si l’on peut assister à des répétitions. Personne ne dit non en général. C’est un métier qui peut faire peur, mais il ne faut pas craindre de se lancer ! 

Merci à Marc Leroy-Calatayud pour son temps et ses réponses ! Si vous souhaitez le découvrir en Suisse, il sera de retour pour diriger l’Orchestre de la Suisse romande à Genève, les 2 et 3 juin prochains. 

Retrouvez toutes ses dates de concerts et plus d’informations à son sujet sur son site : 
Marc Leroy-Calatayud – — CHEF D'ORCHESTRE — (marcleroycalatayud.com)